Les chuchotis du lundi : les 10 ans de David Toutain rue Surcouf, les 20 ans de Gaël Orieux chez Auguste, les 150 ans du moulin à poivre Peugeot chez Oka, l’empire Renaut s’agrandit à Megève, le mariage fou-fou-fou de Marc Veyrat, les débuts de la Casa Luisa à Paris, Benjamin Collombat quitte Courcelles dans l’Aisne pour Roubine dans le Var

Article du 3 juin 2024

Les 10 ans de David Toutain rue Surcouf

David Toutain © GP

L’un des prétendants les plus sérieux à la 3e étoile? Il se se trouve à Paris, rue Surcouf, dans le 7e arrondissement, à deux pas des Invalides, où il fête ses dix ans de présence.  Son nom : Toutain. Son prénom : David. Si vous ne connaissez pas encore ce phénomène que l’on suit depuis ses débuts à l’Agapé Substance, sachez que le petit génie d’hier se bonifie avec le temps, déploie ses ailes et ses idées, embellit sa maison, donne du souffle et de l’esprit à ce qui apparaît comme une cuisine d’inspiration au fil du temps et des saisons. Normand de l’Orne, formé jadis chez Bruneau à Caen, passé chez Veyrat, Passard, Mugaritz, Corton à New-York, qui fut notre « chef de l’année » au Pudlo 2013 à l’Agapé Substance, peaufine sa manière, ajuste ses tirs, change parfois de braquet. Remplace, par excellence, l’anguille à sauvegarder par du hareng fumé et taillé en lamelles dans sa fameuse gastrique au sésame noir et c’est toujours grandiose. Imagine des desserts plus gourmands que jadis, mettant en valeur les fruits de saison (ah, son bel exercice sur les fraises en fruit, glace, tarte!), la pomme de son enfance normande, jouant avec la vanille en virtuose (avec voile de lait et pralin). Bref l’élève d’avant hier est devenu un maître au sommet de son art et de sa manière. Le moment est venu de la visiter pour ceux qui l’ignorent encore. De le revisiter en hâte pour ceux qui croient le connaître…

Les 20 ans de Gaël Orieux chez Auguste

Gaël Orieux © GP

Gaël Orieux ? Il est le modeste de son quartier si gourmand. Dans la rue de Bourgogne, entre l’Assemblée Nationale et le musée Rodin, non loin de l’Arpège d’Alain Passard, d’Hémicycle et du très médiatique Café des Ministères, il fait le plein midi (grâce à formidable menu du déjeuner à 45 €) et le soir avec une clientèle de gourmands fidèles, plébiscité notamment par une clientèle asiatique qui vient ici en nombre, depuis un classement élogieux sur Tripadvisor. Discret et même taiseux, il n’est guère du genre à s’en vanter. S’il fête ses vingt ans l’enseigne d’Auguste c’est sans tapage. Cet angevin élevé en Bretagne à Riec-sur-Belon, côté Finistère, passé à Paris au Taillevent avec Philippe Legendre et qu’il a suivi au Meurice, chez Bocuse à Lyon, qui est sans doute le plus discret, le plus modeste et  l’un des plus créatifs chefs étoilés de Paris, a la modestie chevillée au coeur. La terre comme la mer lui réussissent à merveille. Il nous avait régalé avec une splendide pièce wagyu (du « tende de tranche« ) durant le confinement. On est revenu chez lui pour goûter ses saveurs végétales et marines dans tout leurs états. Les langoustines rôties flanquées de ravioles aux vieux parmesan et couvertes d’une écume de riz et d’avocat, le turbot aux petits pois, tourteau, morilles et condiments au pruneau ou encore le rouget au fenouil avec son jus aux cerises, oursin, aïoli léger au sureau témoignent d’une subtilité sans faille. A saluer en hâte.

Les 150 ans du moulin à poivre Peugeot chez Oka

Yoann Gregory et le moulin à poivre © GP

En 1874, la famille Peugeot, dont les ancêtres, les frères Jean-Frédéric et Jean-Pierre, transformèrent leur moulin ancestral en fonderie d’acier, invente le premier moulin à poivre en bois issu des forêts jurassiennes. Un siècle et demi et plus tard, la maison « Peugeot Saveurs » qui perpétue cette tradition, avec 175 salariés dans la manufacture de Quingey, réédite ce fameux moulin  devenu iconique dit « Z » et propose des poivres rares griffés également Peugeot. A cette occasion, elle a fait la démonstration pour un parterre choisi de la presse spécialisée au restaurant Oka, l’étoilé brésilien de Raphaël Rego et de son associé le MOF de salle Yoann Gregory, avec un « menu spécial poivres ». Au menu des amuse-bouche, comme la mini Fejoada au poivre de Kampot, le « Dadinhio » (un beignet de manioc) au poivre de Timut et un ceviche de poisson au poivre Sikara. Ensuite? Une variation de haricots et gambas Unimza avec un mélange de poivres dit fraicheur, une picanha de cochon de Montalet et un bar du jour à la parillada au poivre de Kampot et de Sichuan, enfin un duo fraise et rhubarbe au délicat et si fruité -peu piquant – poivre de Voastiperifery. Une démonstration éclatante !

L’empire Renaut s’agrandit à Megève

Le Prieuré © GP

Le soleil ne se couche jamais sur l’empire Renaut. Il est présent à Megève, à Chamonix (le Bois Prin) au Brassus (à l’hôtel des Horlogers de la manufacture Audemars-Piguet), flirte avec Santorin (il y conseille le restaurant Lauda du Boutique Hôtel Andronis. Bref, ce que l’on disait des Habsbourg pourrait s’appliquer à ce chef à tête chercheuse. Le MOF trois étoiles des Flocons de Sel tient à la fois une guest house en ville, une épicerie (« le Garde Manger »), une cave, un bistrot de qualité (les Flocons Village), plus bien sûr son Relais & Châteaux de Rochebrune, avec chambres et table trois étoiles, et sa table de montagne façon refuge pour skieurs qui a succédé au Forestier. Sa dernière acquisition ? Le Prieuré, sis sur la place de l’église et contigue de celle-ci, qui était la table classique et sage des Frémondière, Emmanuel Renaut devrait en faire sa table bistronomique. Quant au Flocons Village, il devrait être dédié à la cuisine fromagère. Réouverture du Prieuré nouvelle manière: dès le 15 juin.

Le mariage fou-fou-fou de Marc Veyrat

E. Renaut, M. et C. Veyrat, C.Lelouch © GP

C’était samedi 1er juin. Le ciel était clément sur la place de l’église de Megève. Tous les amis du chef au chapeau noir étaient rassemblés dans le presbytère qui accueillait les invités de la noce qui devait l’unir à sa compagne Christine Heckler. Ceux venus de loin comme les savoyards fidèles, les lyonnais, les parisiens, les chanteurs (Garou) et musiciens, les cinéastes (Claude Lelouch), les élèves devenus des maîtres. Les cuisiniers étoilés étaient en nombre, de Gilles Goujon à Georges Blanc, de Michel Rostang à Yoann Conte, figurant comme témoin de même que les MOF Emmanuel Renaut, trois étoiles au Flocons de Sel, et Olivier Couvin de la Maison Bocuse, de Pierre Carrier de Chamonix à Jean-Pierre Jacob du Bourget-du-Lac, sans oublier Edouard Loubert le turbulent neveu, hier de Lourmarin et de Bonnieux, aujourd’hui à la Croix-Fry, Guillaume Gomez, l’ambassadeur de la gastronomie française, et Christophe Marguin, le président des Toques Blanches lyonnaises. On en oublie au passage. Quand la maire de Megève, Catherine Jullien-Brèches, scellant l’union des mariés, émit le souhait que des étoiles viennent couronner leur future table qui doit ouvrir le 8 juillet au pied du Jaillet, Marc Veyrat s’écria avec force : « on n’en veut pas ! »  Après ce coup d’éclat, toute la grande troupe (deux cent personnes au bas mot) se dirigea vers la Côte 2000 et le restaurant Rural pour un banquet digne d’Astérix, avec pizzas en liminaire, pâté en croûte et salade montagnarde, puis, dans un joyeux ensemble, crevettes fraîches, superbe côte de boeuf au grill, saumon à basse température avec sauces béarnaise et choron, farandole de fromages (rebochon aux truffes et beaufort d’alpage), glaces, plus choux craquants issus d’une pièce montée avant la tropézienne géante et les macarons de Pierre Hermé. On n’omet pas les vins en accord, certains en jéroboams ou magnums : champagnes Billecart-Salmon et Moët et Chandon, sauvignon de Nouvelle Zélande et château Clarke tout deux signés Edmond de Rothschild (dont la famille possède toujours les terres du Mont d’Arbois), Coudoulet de Beaucastel de la famille Perrin, seigneur de châteauneuf-du-pape et Stilio primitivo de Manduria s Pouilles de Mottura, avant la chartreuse jaune. Bref, une folle journée rabelaisienne et conviviale qui allait se prolonger, pour les braves et les téméraires, d’une soirée fondue. Voici une noce gourmande comme une démonstration de joie de vivre docte et forcenée !

Marc Veyrat et la tropézienne géante © GP

Les débuts de la Casa Luisa à Paris

Romain Fornell et Benjamin Patou © GP

Casa Luisa : c’est un bar à tapas, logé au rez de chaussée de l’ancienne gare de La Muette au dessus du latino néo-péruvien Andia. le lieu est chic, gourmand,  relax et de prix raisonnable, avec une carte signée Romain Fornell, dont on vous parlait la semaine dernière et qui règne à Barcelone notamment au Caelis. Le tout est placé sous la houlette de Benjamin Patou, la grand manitou du groupe Moma (qui travaille avec Jean-François Piège chez Mimosa, Marc Veyrat au Rural, Mory Sacko au Lafayette’s et Gaston Acurio chez Manko). Casa Luisa séduit d’emblée à coups d’assiettes exquises : croquetas, bonbonetas (cromesquis de pdt à la viande), patatas bravissimas (sorte d’exquis millefeuille de pommes de terre), croque monsieur à la truffe, jambon iberico de Joselito, crevettes pil pil ail et piment, langoustines au naturel ou crevettes frites de Palamos, petits sandwiches au bœuf, tortillas et salade russe, avant le flan vanille au caramel, la vraie crème catalane à la cannelle ou l’ananas au rhum. Affaire à suivre.

Benjamin Collombat quitte Courcelles dans l’Aisne pour Roubine dans le Var

Benjamin Collombat © GP

Benjamin Collombat ? On n’est guère étonné d’apprendre que ce Provençal voyageur, qui eut son étoile à Draguignan, Côté Rue, puis au Château de Berne dans le Var, avant de s’exiler au Maroc à Casablanca et Marrakech, quitte l’Aisne et le château de Courcelles dont il avait repris les fourneaux il y a quelques mois pour regagner sa région d’origine. Si l’aventure, débutée à l’automne dernier, s’achève aussi rapidement c’est qu’un nouvel épisode de sa vie attend ce bourlingueur des casseroles. Il revient en effet chez lui, dans ses paysages familiers, par l’intermédiaire du château Roubine appartenant à la famille Rousselle-Riboud, fameux notamment pour ses grands rosés. Il y ouvrira en effet une table très personnelle au coeur des vignes de Roubine sous le nom de « Singulier Pluriel », avec la complicité de son épouse Karine. Ouverture prévue: fin juillet-début août.

Valérie Rousselle et ses enfants au Château Roubine © GP

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Publié le  3 juin 2024 par

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