Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

La Crème de la Crème – Julien Boscus : « Rungis est le plus grand marché du monde »

Article du 26 juin 2024
Julien Boscus et l'agneau des pays d'Oc © MR

Julien Boscus & l’agneau des pays d’Oc © MR

Origines ? Un leitmotiv et un mantra. Ceux de Julien Boscus qui fait depuis cinq ans des merveilles dans son fief aux tons azur de la rue de Ponthieu. Dans ce qui fut un burger transformé en table contemporaine, cet Aveyronnais bien né montre l’étendue d’un talent muri au gré d’un parcours éloquent. Formé au Pré Catelan avec Frédéric Anton, à Toulouse avec Gérard Garrigue avant une brève escale à Londres aux côtés de Pascal Aussignac (prenant des airs de pèlerinage pour ce passionné de rock anglais) puis un retour en grande pompe à Paris au Meurice époque Alléno suivi de cinq années chez Pierre Gagnaire entre Paris et Séoul, il obtient, en 2013, un poste de chef aux Climats de la rue de Bourgogne, vite couronné d’une étoile, il développe un style bien à lui.

Le décor © MR

Le décor © MR

Les produits aux origines identifiées, l’art des sauces hérité de son passage chez Alléno, le goût du gibier en saison, mais surtout une partition créative et enracinée, mettant en relief des mets choisis en évitant l’écueil du superflu, voilà la marque de ce technicien hors-pair, fourmillant d’idées. Dans un quartier où les prix volent hauts, son menu déjeuner comme sa formule carte blanche font figure d’aubaines tandis que, sous la houlette d’un service jeune mais au point, la carte des vins, sous la forme d’un épais grimoire, joue les mines d’or à prix tenus Pour ce natif de Conques qui a baigné dans l’amour des bonnes choses, le choix de l’excellence du produit ne se questionne pas. Petit-fils de restauratrice (sa grand mère tenait un restaurant tradi’ à Saint-Cyprien) et fils de boucher-charcutier, Julien allait chaque semaine sélectionner avec son père les bêtes sur pieds. « Une pratique de plus en plus rare » glisse-t-il. Il se remémore également avec malice de sa première visite au sein des allées du « ventre de Paris » lors de ses débuts au Meurice. Une nuit qui l’avait conduit du Pavillon de la Marée aux étals des Vergers Saint-Eustache avant une conclusion sous la forme d’un mâchon aux aurores. Concédant une affection toute particulière pour le Carreau des Producteurs rassemblant les petits maraichers du bassin parisien, Julien déclare « Rungis, c’est le plus grand marché du monde. Il y a tout, de l’exception au tout-venant», ajoutant rieur et en référence à sa courte expérience outre-manche « on faisait tout venir de France ».

Poisson bleu, concombre, jus de rhubarbe, feta & quinoa soufflé © MR

Poisson bleu, concombre, rhubarbe, quinoa soufflé © MR

Au MIN, son partenaire n°1 n’est autre que Jean-Claude Huguenin, maestro boucher avec lequel Julien a tissé une véritable complicité depuis l’époque des Climats. La livraison du jour met ainsi en exergue sa belle trouvaille carnassière du moment, un « formidable » agneau des Pays d’Oc, « broutard » occitan au goût plus marqué que son cousin de lait, considéré comme plus fade par le maestro d’Origines. Bref, un agneau bien de chez lui et « au vrai goût de viande » que Julien sublime à propos, en privilégiant la selle, lui donnant l’occasion d’un « véritable travail de cuisinier » Clins d’oeil à la cuisine nissarde et touches végétales marquent cette composition autour de l’agneau faisant graviter autour de la selle farcie avec petit filet et rognons, une délicate socca striée de courgettes, relevée d’olives taggiasche et d’anchois de Cantabrie sans oublier une fleur de courgette farcie d’épaule d’agneau façon polpette avec un jus parfumé à la sarriette. Cuisinant le gibier avec amour, Julien jubile d’octobre à janvier. Toujours veillée par l’expert Huguenin, sa besace regorge en saison de grouses d’Ecosse, biches, colverts, palombes, lièvres de Beauce sans omettre ces « magnifiques » chevreuils du Golfe de Cascogne. Mais fort du constat que chaque boucher possède sa propre spécialité, cet acheteur avisé prend soin de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, glanant également du côté d’Angers et de la Ferme des Belles Robes ce superbe boeuf de race gersiaise, fruit d’un élevage « exemplaire et raisonné« , sans oublier, au printemps, ces « exceptionnels » pigeons griffés Metzger.

Julien Boscus & Jean-Claude Huguenin © MR

Julien Boscus & Jean-Claude Huguenin © MR

Hampe, araignée, onglet… se faisant nobles et délicates, les tripes sont quant à elle l’apanage de la Maison Vadorin, « dernier des mohicans » dans l’enceinte de la capitale et auquel la tête chercheuse d’Origines a juré fidélité depuis plus d’une décennie. Héritier du savoir-faire transmis par le maitre Maurice Vadorin, l’orfèvre du cinquième quartier se nomme Proba Sivasamboo et vient du Skri-Lanka. Julien déclare à son sujet « Il fait un sourcing irréprochable. Toutes les belles tables lui font confiance. Il passe chez nous avant de poursuivre sa tournée au Bristol et au George V ». Et comme pour le gibier, Julien traite le registre tripier avec un doigté rare. Illustration avec ce fabuleux couplet autour de l’onglet de veau, grillé au binchotan (le barbecue nippon), flanqué de ses beaux haricots beurre de Provence encerclant un champignon portobello rôti et garni, l’ensemble étant lié d’une sauce au poivre vert savamment dosée. Splendide !

Onglet de veau, haricots beurre de Provence et portobello garni © MR

Onglet de veau, haricots beurre et portobello garni © MR

Placées sous les bonnes grâces de Terroirs d’Avenir mais surtout de son complice Victor écumant pour ses besoins toutes les criées de l’Hexagone, les plaisirs iodés ne sont pas pour autant oubliés. Homard bleu, langoustines, palourdes de Camargue… le magicien Boscus met un point d’honneur à travailler « la marée de saison », lorgnant quand il le peut du côté de l’ikejime (pratique japonaise ancestrale d’abattage du poisson le vidant de son sang) notamment pour le thon rouge ou le bar de ligne breton ici poché dans un lait aux épices méditerranéennes, parsemé de gremolata, d’oeufs de brochet fumé et flanqué de févettes, petits pois et oignons nouveaux. L’autre coup de coeur marin du moment  ? La sériole de Méditerranée « un super poisson, avec le gras du thon et la finesse du bar » que Julien cisèle en liminaire, en fines lamelles, l’agrémentant de concombre battiglione, d’un condiment d’amandes fraiches et du piquant d’une sauce jalapeño

Bar de ligne, gremolata, etuvée de févettes, petits pois et oignons nouveaux © MR

Bar de ligne, gremolata, févettes, petits pois et oignons © MR

Sur le volet légumier, le chef d’Origines fait confiance de longue date aux Vergers Saint-Eustache qui le ravitaillent pour « tous les classiques » et dont il loue la sélection bien vue de petits producteurs franciliens. Mais ce géant malicieux (quasi 2m) sait ruser lorsqu’il s’agit de bons produits. Exemple avec les asperges pour lesquelles il sollicite, de mars à fin avril l’expert Jérôme Gallis dans le Vaucluse (qui lui fournit également des truffes noires « à tomber ») avant de remonter en terres ligériennes pour « allonger » la saison. Ainsi en ce début d’été, les asperges blanches de Touraine, « plus sucrées » et grillées au barbecue épousent avec brio le magret de canard de la Maison Barthouil sur fond de tuile de sarrasin et de parfaite sauce hollandaise. Au registre du foie gras, le maestro Boscus chante sans mal les louanges de la Maison Dupérier installée à Souprosse dans les Landes, notant « c’est vraiment le top du top. Je passe un coup de fil à Robert, le père. Il abat le mardi et c’est chez moi le mercredi». Autre secret dévoilé sans trop de résistance par cet apôtre du bon produit : ce beurre d’exception venant tout droit de la maison Deleu à Beaulencourt dans le Nord. Les fromages sont quant à eux signés Terroir d’Avenir et alignent Bleu de Laqueuille, Laguiole (bon sang aveyronnais ne saurait mentir) et condiments en rapport.

Le service © MR

Le service © MR

Enfin, les épices trouvent aussi une place de choix dans les préparations de Julien qui fait confiance en la matière au spécialiste Shira. Le poivre de Timut vient ainsi rehausser à propos l’aérienne chantilly de cette exquise pavlova aux fruits rouges. Elaborées avec le concours de la talentueuse Kuenyoung Kwon, les douceurs constituent d’ailleurs ici de vraies réussites à l’image de ce couplet autour des abricots du Roussillon, trônant sur leur tarte amandine et escortés d’une onctueuse crème glacée à l’amande. Jamais à court d’idées, Julien achève en nous confiant un joli rêve le tenaillant depuis longtemps : l’ouverture d’un bistrot en hommage à la cuisine de tradition pratiquée par sa grand-mère aveyronnaise et usant évidemment de produits de premier choix aux origines controlées. Pas le temps de s’ennuyer avec Julien Boscus!

Abricots du Roussilon, tarte amandine, glaceeaux amandes © MR

Abricots du Roussillon, tarte amandine, glace amande © MR

Origines

6 rue de Ponthieu
Paris 8e
Tél. 09 86 41 63 04
Menus : 57, 69 (déj.), 98, 125 (dîn.) €
Carte : 90-150 €
Horaires : Franklin D. Roosevelt
Fermeture hebdo. : Samedi, dimanche
Site: www.origines-restaurant.com

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Publié le  26 juin 2024 par

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