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Les chuchotis du lundi : Christophe Moret impose sa marque aux Crayères, à Pau le nouveau Maynats est arrivé, Gérald Passédat crée Bain-Bain à Marseille, Noël Bérard le nouveau magicien de Capelongue, Thierry Karakachian chez Pierre Gagnaire à Aix-en-Provence, Nuance le nouveau duo de Bayonne, Lionel Elissalde embrase le stade Jean Dauger, deux quatre mains par les cheffes Ducasse

Article du 1 juillet 2024

Christophe Moret impose sa marque aux Crayères

Christophe Moret © GP

Fortiches les Gardinier ! Pour montrer qu’ils n’étaient guère pris au dépourvu par le départ de leur chef star, Philippe Mille, les frères propriétaires des Crayères (mais aussi de Drouant, Taillevent, des 110 de Taillevent, des caves Taillevent, de Mercurium, des comptoirs du caviar) ont salué, illico après l’annonce de son départ, « le travail accompli par Philippe Mille« , lui souhaitant bonne chance pour la suite de sa carrière et révélant dans la foulée le nom de son remplaçant qui sonne comme le retour d’un briscard aux commandes d’une grande table.  Christophe Moret, 57 ans, natif d’Orléans, qu’on connut aux fourneaux du restaurant d’Alain Ducasse au Plaza Athénée, avant qu’il ne prenne en charge ceux de Lasserre puis de l’Abeille au Shangri-La Paris, où il obtint ici et là deux étoiles est un artiste de poids. Rompu à l’art de la direction de grandes maisons, après une aventure manquée à l’Ambroisie, l’automne dernier, où il devait succéder à Bernard Pacaud, voilà Christophe Moret au mieux de sa forme et de son sujet reprenant avec brio les destinées gourmandes des Crayères et l’objectif de lui conserver les deux étoiles. Et, pourquoi pas, aller plus loin. Le nouveau style maison sous sa houlette ? Classique chic, tradi, certes, mais créatif au fil des saisons et sans nulle lourdeur. Appuyé par un jeune service à la fois dynamique et motivé, qui pratique la pédagogie comme un bel art, installé dans l’ancien château de Mme Veuve Pommery que transforma jadis en Relais & Châteaux papa Gardinier, Xavier, relayé par les Boyer, Gérard et Elyane, le lieu garde son charme et la cuisine va de l’avant. Chaque menu, chaque met se place au service du vin roi dont cette maison est l’ambassade gourmande non-dite avec une carte des crus champenois d’une richesse inédite. Parmi les morceaux de bravoure du moment, le foie gras de canard confit en feuille à feuilles de champignons rosés d’Ecly, avec son condiment oseille, le superbe homard au grill, la pince en condiment Thermidor, les sucs de homard sémillants, présenté évidemment mais avec la carapace ou encore le pigeon « à la Montmorency », avec navets de Tokyo, les violets de Nancy, ses cerises en bel aigre doux, sa sauce écarlate à la betterave font comme des démonstrations de grands classiques, revus au goût du jour, avec ses belles idées iodées ou carnassières.

A Pau le nouveau Maynats est arrivé

Gautier Alvarez © GP

Gautier Alvarez? On a connu près du château, cet ancien du Ruffet à Jurançon et du Brouillarta de Guillaume Roget (depuis étoilé à Ciboure) à Saint Jean de Luz dans une demeure intime où il s’exprimait avec talent mais timidité. Ce fort gaillard à la figure de 3e ligne a transporté son  » Maynats  » – « les gamins » en béarnais – dans un pavillon néo-1900 face à la gare de Pau qui abrita jadis une institution rétro de la ville (« Le fin gourmet »). Les idées du jour défilent en menu surprise et l’on sent bien que désormais ce technicien discret, sûr de son art, entouré d’une équipe efficace, tutoie l’étoile. La maison n’a que six mois, mais elle est déjà bien en place. Parmi ses bons tours, un homard (breton) revu Sud Ouest avec sa composition à l’ajo blanco et des cerises vinaigrées aux herbes plus un mini-club sandwich au homard ou encore un thon rouge de ligne avec ses haricots verts fumés, abricot et sa sauce béarnaise (ici de fondation!) indiquent joliment de quel bon bois il se chauffe.

Gérald Passédat crée Bain-Bain à Marseille

Gérald Passédat chez Bain Bain © GP

Il règne, à Marseille, sur l’un des plus beaux Relais & Châteaux, situé, tel un palais blanc ouvert vers la Méditerranée et le château d’If, dans la magique anse de Maldormé, où il achève d’aménager l’ancien appartement de ses parents en suite de grand luxe avec sa vue à couper le souffle et la complicité du designer Ora Ito. Prince et roi de la mer qui cuisine les produits des abysses avec talent et allant, Gérald Passédat qui arbore fièrement les trois étoiles au Petit Nice, dans un cadre d’une belle sobriété, offre une version « bistrot » de son talent au bar et en terrasse (au 19/17), et s’affirme en marieur de la gourmandise, de la culture et de l’art avec le Môle Passédat au sein du MUCEM, qui fait à la fois table gourmande et panoramique, café, kiosque gourmand et école de cuisine. Sa nouveauté ? Un stand gourmand, pile au pied du Petit Nice où l’on peut à la fois commander un café, un jus de fruit, un soda, une bière de Marseille, mais aussi un sandwich, un pan bagna ou une salade pour les baigneurs de son anse favorite. Son prochain projet : une table de plage toute proche. Mais, chut! C’est encore un secret.

Noël Bérard le nouveau magicien de Capelongue

Noël Berard et le sommelier Jérémie Boukouar © GP

Il a la rude tâche de faire oublier Edouard Loubet qui eut deux étoiles ici même. Noël Bérard s’en tire fort bien. 33 ans, filiforme, passé dans de grandes maisons à Hong Kong, formé jadis au Sénat avec une équipe de MOF, comme Fabrice Desvignes, l’ex chef de l’Elysée, passé longuement chez Philippe Mille aux Crayères à Reims, plus rapidement au Petit Nice de Gérald Passédat à Marseille, présent à Capelongue, entièrement rénové par le groupe Beaumier depuis près de cinq ans déjà, il a les épaules pour aller de l’avant, continuer de séduire, avec une partition méditerranéenne et provençale de haut niveau. Deux menus – l’un dédié aux légumes de la région, l’autre au Luberon dans ses grandes largeurs – racontent sa manière agile. Il y a les amuse-bouche jolis et savoureux : artichauts grillés et fenouil crémeux, cigarillos croustillants aux olives de Nyons et figue, huître de Camargue et vinaigrette au miel de châtaignier. L’entrée en matière docile de la bavaroise de chou fleur, petit pois et pickles de rhubarbe, celle du veau mariné de Gordes avec crème d’anchois, thon, artichaut, câpres accompagné de croûtons, citron et cubes de thon rouge crus  qui évoque un vitello tonnato nouvelle manière. Et le reste suit. On en reparle.

Thierry Karakachian chez Pierre Gagnaire à Aix-en-Provence

Thierry Karakachian et le service © GP

Pierre Gagnaire, on le sait, ne décroche jamais. Ce septuagénaire au mieux de sa forme et de son sujet présent à Nîmes avec Duende, toujours au « top » de son art à Paris dans son trois étoiles de la rue Balzac, italianissime chez Piero rue du Bac, marin et aérien chez Gaya, rue Saint Simon dans le 7e, mais aussi à Châtelaillon-Plage (au Gaya des bords de mer), en forme royale à Londres (chez Sketch, également lauré de 3 étoiles), mais aussi présent à Tokyo, Danang, Shanghai, Séoul et Dubaï, signe toutes les cartes du Fouquet’s à Paris, Cannes, Marrakech, Abu Dabi, Saint-Barth. Son défi discret ? Il est provençal, avec cette table pleine de chic de la luxueuse Villa Saint-Ange d’Aix-en-Provence, qui jouait une bistronomie modeste mais raffinée et qui devient créative sans négliger la tradition provençale sous sa houlette. Son chef ici même : une vieille connaissance, issue de l’orbite Robuchon, qui a travaillé dans les Ateliers du divin Joël mais aussi, sous sa houlette et celle du MOF Eric Bouchenoire, au Dassaï de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Thierry Karakachian, marseillais d’origine arménienne est heureux de revenir côté sud et de composer une petite musique pleine de chic, de charme et de bon goût. Le style maison ? Du Gagnaire concret. Ainsi les poissons, comme le pavé de loup grillé avec artichaut poivrade, ail, basilic et persil, plus salade de roquette et tomates séchées, riche crème de parmesan tomatée, flanqué de son risotto de petit épeautre du pays de Sault aux piquillos, comme le gourmand pavé de Saint Pierre snaké, avec sa concassée de tomates, concombres, pommes de terre nouvelles aux herbes enrobé dans un beurre d’anchois et consommé de fenouil valent l’applaudissement.

Nuance le nouveau duo de Bayonne

Margaux Le Baillif et Brice Goeuriot © GP

Deux jeunes gens, parisiens de hasard, originaires du Grand Est, elle de lorraine par sa mère, lui alsacien par son père, bousculent la hiérarchie gourmande de Bayonne. Margaux Le Baillif et Brice Goeuriot, 24 ans chacun, ont travaillé ensemble, à l’Auberge Basque avec Cédric Béchade, puis avec Arnaud Faye à la Chèvre d’Or d’Eze, mais aussi chez David Loisel au château de Candie et enfin à Choko Ona à Espelette. Tombés amoureux du pays basque, ils ont ouvert, il y a sept mois, au cœur du petit Bayonne une table chic, moderne et sobre tout en nuance. Ils servent là, pour une vingtaine de couverts à peine, des mets vifs, fins, colorés, tous bien sourcés. La salade de haricots verts de chez Manuela au Jardin du Harda à Ustaritz avec aïoli, lard Ibaïma de Montauzer à Guiche, glace sarriette et sa foccacia, le mouton de chez Pierre Marie de race basque « Sasi Ardi » concombre grillé au barbecue et cerise cuite dans un vinaigre de sureau, fromage frais de la laiterie Marengo et kefta ont bien belle mine. Voilà deux talents à suivre !

Lionel Elissalde embrase le stade Jean Dauger

Lionel Elissalde © GP

Lionel Elissalde, bayonnais pur jus, qui a été formé jadis à la Galupe à Urt, aux temps bénis de Christian Parra, passé en Belgique chez Wynants à Bruxelles au Comme chez soi et en Suisse au Débarcadère à Lausanne-Saint-Sulpice, est demeuré 13 ans en ville à son compte à l’enseigne de chez Martin, hommage à son père. Il vient de créer la belle table bistronomique de l’Aviron Bayonnais où il propose de jolis plats de son cru aux beaux accents du Sud au fil des jours. Le cadre moderne, avec ses arcs en béton,  sous le nouveau virage de la tribune Sud du Stade Jean-Dauger, étonne et séduit. Et la cuisine témoigne d’un exceptionnel rapport qualité-prix. Les asperges des Landes, confites, pastrami, mimosa d’oeuf et vinaigrette à l’huile de noisette, le foie gras mi-cuit avec son condiment kiwi et kumquat, les tomates de saison, féta, gaspacho de petits pois et nectarine, l’oeuf cuit à 64 degrés, coulis petits pois et crémeux chèvre de la ferme , les conchiglione au pesto verde, coppa italienne et copeaux de brebis comme les chipirons grillé, compotée d’oignons et chorizo confits, gréco-latine sarda se mangent sans faim.

Deux quatre mains par les cheffes Ducasse

Lisa Desforges & Kelly Jolivet © BC

Lisa Desforges & Kelly Jolivet © BC

« On ne vient pas chez nous pour faire des découvertes mais pour retrouver de vieilles connaissances » dixit Alain Ducasse reprenant par là même les mots de l’illustre Fernande Allard.  Amoureux des bistrots et de leur cuisine de tradition, cultivant soigneusement l’âme et l’esprit de ses trois maisons parisiennes et historiques, le maestro Ducasse s’affirme pourtant comme un infatigable dénicheur de talent, ayant le chic pour trouver de nouveaux visages féminins donnant un sang neuf à ses adresses de caractère (Aux Lyonnais où l’on connut Marie-Victorine Manoa puis désormais Victoria Boller, Allard où s’illustra longtemps Laëtitia Rouabah sans oublier Benoit autrefois chapeauté par Fabienne Eymard). L’événement bistrotier de ce début d’été réunira ainsi deux de ses cheffes les plus prometteuses du moment. C’est Kelly Jolivet, notre lauréate aux Trophées Pudlo des Bistrots millésime 2022 & la pétillante Lisa Desforges qui seront à la manoeuvre les jeudis 4 et 11 juillet prochains pour deux quatre mains d’anthologie, tissant une passerelle hautement gourmande entre la rive gauche et la rive droite. D’abord chez Benoît, seul bistrot étoilé de la capitale puis chez Allard où la jeune Lisa Desforges revisite avec doigté les classiques et l’héritage de la grande Fernande. Pour l’occasion, ces deux étoiles du bistrot parisien ont imaginé, main dans la main, deux menus inédits faisant se rencontrer les répertoires de leurs maisons respectives et qui entre raviole de joue de bœuf, bouillon corsé, ris de veau au sautoir avec artichauts en barigoule et profiteroles, sauce chocolat chaud, charmeront à coups sûrs. Pour réserver, c’est par ici. 

Les chuchotis du lundi : Christophe Moret impose sa marque aux Crayères, à Pau le nouveau Maynats est arrivé, Gérald Passédat crée Bain-Bain à Marseille, Noël Bérard le nouveau magicien de Capelongue, Thierry Karakachian chez Pierre Gagnaire à Aix-en-Provence, Nuance le nouveau duo de Bayonne, Lionel Elissalde embrase le stade Jean Dauger, deux quatre mains par les cheffes Ducasse” : 1 avis

  • Il semble que Fabrice Desvignes n’est pas l’ancien chef de l’Elysée mais bien l’actuel

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